Et si les seniors en recherche d'emploi se vendaient mieux

Les stéréotypes ont la vie dure. Et l’opinion publique a intégré une fois pour toutes le stéréotype qui veut que les 50 ans et plus aient moins de chances que les plus jeunes de retrouver une place de travail, en raison de leur âge. Le cabinet von Rundstedt & Partner a confronté ce préjugé à la réalité du terrain. Une enquête menée auprès de plus de 500 entreprises suisses (CEO et/ou DRH) entre juillet et septembre révèle un écart important entre le cliché et la pratique.

Ainsi, pour 81% des responsables interrogés, les seniors souffrent de discrimination lors du recrutement en Suisse de manière générale, mais ce chiffre descend à 33% dès lors qu’on les interroge sur les pratiques en vigueur dans leur entreprise. De même, ils sont 60% à estimer que les 50 ans et plus sont les plus exposés en cas de licenciements, alors que seuls 20% l’observent au sein de leur société.

«Cela montre à quel point les clichés sont ancrés en nous tous, pointe Anne Dagier-Joncour, directrice de von Rundstedt & Partner. Nous avons donc décidé de croiser ces données avec ce que nous observons dans notre travail.» Spécialisé dans la réorientation de carrière, le cabinet est mandaté par des entreprises qui entament des procédures de licenciements ou de restructuration afin d’aider les collaborateurs à se réinsérer sur le marché du travail.

Dans la tête

Certes, les plus âgés mettent davantage de temps à retrouver un emploi, ce que corrobore le Secrétariat d’État à l’économie (lire l’encadré), mais les chances de se «recaser» ne sont pas moindres que pour les autres classes d’âge. «En 2017, nous avions 1700 candidats, dont une classe de 50 et plus, poursuit-elle. Lorsque les postulations n’avaient pas abouti, nous avons cherché à savoir pourquoi, et il est apparu que l’âge n’entrait pas en ligne de compte.»

Dans les faits, plus ou moins consciemment, la personne «s’imagine battue d’avance» en raison de son âge. Elle déroule dès lors une stratégie qui s’avère contre-productive: «La plupart des seniors mettent en avant leur bilan, reviennent sur les succès de leurs trente années de vie professionnelle, s’attardent sur leurs réussites. Mais tout cela figure dans leur CV, certificats et autres lettres de recommandation. À l’oral, il s’agit d’énumérer les qualités qui vont bénéficier à l’employeur potentiel à l’avenir.»

Des atouts oubliés

Et de citer deux exemples concrets. Ce haut responsable d’un département vente et marketing dans une multinationale, licencié à 56 ans, qui peinait à se replacer en insistant sur ses qualités de cadre supérieur, mais qui a fini par trouver un poste en mettant en exergue son métier de base, ingénieur chimiste. «Il n’y pensait tout simplement plus!» Ou cet autre de 57 ans, désespéré en raison de sa profession, rare, et dont il jugeait par conséquent qu’elle n’éveillerait plus aucun intérêt. «Nous avons transformé cette faiblesse supposée en atout principal, souligne Anne Dagier-Joncour. Tout est souvent conditionné par le regard que l’on porte sur soi.»

L’année de naissance est donc secondaire. Ce qui prime, ce sont les compétences. «D’où la place primordiale de la formation continue en entreprise.» Sur ce point, la marge de progression est encore confortable: seuls 57% des sondés se déclarent prêts à soutenir la mise en place de programmes d’apprentissage au sein de leur entreprise pour les profils de plus de 50 ans. Et ils ne sont que 58% à accompagner leurs employés seniors dans le développement de leur employabilité à long terme. Corollaire direct, le recrutement à l’interne demeure confidentiel: «Moins de 25% des postes vacants sont repourvus au sein de l’entreprise, ce qui démontre notamment que le développement des compétences par l’employeur n’est pas bien fait, et que prévaut encore la culture du «je licencie/j’embauche».

Les mentalités évoluent pourtant, mais à petits pas. À compétences égales, 52% déclarent donner la préférence à un senior face à un profil plus jeune. «C’est bien, c’est presque du 50/50, commente Anne Dagier-Joncour. C’est une question d’ordre culturel. Autrefois, les entreprises ne se sentaient pas tenues de manifester un souci environnemental, et elles sont presque toutes engagées dans cette voie aujourd’hui.» Pas besoin de légiférer pour protéger les employés plus âgés, estime-t-elle: «La préférence nationale, par exemple, se fait naturellement.» De fait, 73% des managers déclarent choisir un Suisse de plus de 50 ans plutôt qu’un candidat plus jeune de nationalité étrangère, à compétences égales.

Trop cher?

Autre idée reçue, et non des moindres: le salaire, et notamment les charges sociales. Pour 79% des entreprises, la contribution au 2e pilier n’est pas un critère déterminant dans la prise de décision. «Oui, un senior coûtera plus cher, mais, encore une fois, ce n’est pas un critère discriminant. Si on lui préfère un plus jeune, ce sera pour d’autres raisons. Ce qui compte beaucoup, c’est l’agilité intellectuelle et émotionnelle: savoir aller dans le sens du changement plutôt que de lutter contre le courant.»



Égaux devant le chômage


Sur les 17 267 chômeurs longue durée (plus d’une année) recensés par le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) en Suisse en juillet, 8418 étaient âgés de 50 ans et plus. Soit légèrement moins que la tranche des 25-49 ans, qui en compte 8652.

Sur la totalité des chômeurs inscrits (106 052), la tranche d’âge la plus touchée est celle des 30-34 ans (14 340), suivie de celle des 25-29 ans (13 180). On en recense 11 865 chez les 50-54 ans, 10 262 chez les 55-59 ans, et 8293 pour les 60 ans et plus. Selon l’Office fédéral de la statistique, il y avait en moyenne 55 000 chômeurs de 50 à 64 ans, mais c’est la tranche des 25-49 ans qui payait le plus lourd tribut, avec 127 000 chômeurs (chiffres extraits d’une extrapolation basée sur moins de 90 observations).

«Les actifs âgés ont un risque plus faible de se retrouver au chômage mais, lorsque c’est le cas, la réinsertion professionnelle s’avère plus difficile pour eux que pour d’autres classes d’âge plus jeunes», commente le porte-parole du SECO, Fabian Maienfisch. Il note par ailleurs que le taux de chômage n’est ni plus ni moins prononcé pour eux, et qu’il suit la courbe de la conjoncture, comme pour n’importe quelle catégorie d’employés. Ainsi, lors du ralentissement de 2011, le taux de chômage des plus de 50 ans est passé de 2,4% à 2,8%, alors que la progression totale passait de 2,8% à 3,2%.

La reprise de 2017 s’est traduite par un recul du chômage chez les plus âgés, ce qui s’observe aussi dans les classes d’âge inférieures, mais avec un certain retard. «Le taux de chômage est en général inférieur à la moyenne et n’a pas augmenté de manière frappante ces dernières années.» (TDG)

Créé: 29.08.2018, 20h19

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